Les « tout inclus » de Cancun
. Ils séquestrent leurs clients, ils exploitent leurs employés et fragilisent un peu plus l'économie locale : une enquête dans un hôtel « tout inclus » comme un autre à Cancun : la chaîne espagnole Barcelo.
C'est une longue bande de plage artificielle, bordée d'hôtels qui séquestrent leurs clients. On les appelle les « tout inclus » : hôtel, nourriture et boissons sont compris dans le prix qui avoisine les 100 US$ par jour à Cancun.
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On reconnaît un touriste dans un « tout inclus » au bracelet qu'il doit obligatoirement porter à son poignet pendant tout son séjour.
On le reconnaît également au fait qu'il ne sort presque jamais de l'hôtel qu'il a choisi. Tout est prévu pour que notre touriste ne ressente guère le besoin de sortir et de dépenser ailleurs ses précieux dollars. Il trouvera dans l'hôtel des activités (golf, tennis, spa, etc), des spectacles le soir et une multitude de piscines, inutiles et gaspilleuses. |
S'il lui prend l'envie de découvrir les alentours, il trouvera tout à l'intérieur de l'hôtel : ainsi on vend des activités extérieures, des sorties en bateau, de l'artisanat, et tous les gadgets qu'il lui manque mais à un prix bien plus cher que dehors. La fameuse « zone hôtelière » de Cancun est excentrée. On ne trouve pas un seul petit commerce dans son périmètre mais des magasins de luxe, des restaurants chers et des chaînes type fast foods américains.
En résumé pour qu'un touriste dans un tout compris dépense un peu d'argent dans l'économie locale, il faudra qu'il ait l'audace de prendre un taxi et de faire au moins 20 minutes de route. Autant dire que c'est très peu probable…
Ainsi, les « tout inclus » ont réussi à fragiliser un peu plus l'économie locale. Les conséquences sont particulièrement dures pour les restaurants et commerces locaux. Les milliers d'employés de ces chaînes gagnent le salaire minimum. Au Tucancun hôtel de la chaîne espagnole Barcelo, les salariés gagnent en 2007, 47 pesos (3,3 €) par jour pour huit heures de travail. La majorité habite à une heure de trajet de leur lieu de travail, dans un de ces merveilleux faubourgs de Cancun, sans services (pas de route, pas d'électricité, pas d'eau potable, pas de drainage). EchoWay s'est rendu dans un de ces 300 quartiers que l'on nomme « illégaux » et où vivent la majorité des employés des « tout inclus ». Leur illégalité n'est pas très rationnelle. En effet, Cancun attire des travailleurs de tout le Mexique, qui croient que les dollars des touristes vont atterrir dans leurs poches. Le contraste avec la réalité est saisissant : Cancun est cher, le travail mal payé et les conditions de vie n'ont rien à envier au premier bidonville. Car il faut bien s'installer quelque part et comme l'Etat n'installe pas les services, il ne peut légalement régulariser la terre, en l'incluant comme colonia (quartier) de la ville. Voici un témoignage :
« Nous venons de l'Etat du Tabasco et nous sommes arrivés ici pour trouver du travail. Comme les loyers dans le centre sont bien trop chers, nous avons préféré acheter un bout de terrain et construire une petite maison. Dans le quartier, nous sommes tous dans le même cas et nous attendons maintenant depuis six ans que l'Etat régularise le quartier et nous amène des services. Mais les années passent et rien n'indique qu'ils vont le faire »
L'illégalité de ces quartiers permet aux autorités de disposer comme elles le souhaitent des terrains qui restent. Ainsi à Rancho Viejo, autre quartier « illégal », les autorités ont décidé d'installer à 20 mètres des maisons, la nouvelle décharge de Cancun. Aucune protection, aucune mesure d'hygiène et de sécurité, on peut se balader si le cœur vous en dit, au milieu des sacs. Il suffit de suivre les gens du quartier et ne pas entrer par la porte principale où un seul gardien veille.
source: la Jornada, 3 mai 2005 |
« Cancun est au bord du désastre écologique » avait titré en mai 2005, le quotidien national la Jornada. Et en effet, la première décharge de Cancun débordait…dans deux semaines, elle ne pourrait plus recevoir les 750 tonnes de déchets quotidiens. et avait déjà et de toutes façons, pollué « gravement » les abords de la lagune. Les autorités ont cherché un autre terrain, tout aussi peu aux normes que le précédent, mais un endroit où les gens râleront moins : chez les illégaux et les pauvres, dans des conditions on ne peut plus précaires pour s'imposer. |
De toute façon, il faut peu de raisons aux autorités pour envoyer la police calmer tout esprit chauffé à Cancun. Les forces de l'ordre sont spécialistes pour empêcher une manifestation d'approcher la zone hôtelière. Même quand la cause est on ne peut plus juste, comme la défense d'une activiste sociale qui œuvre pour les enfants prostitués, les autorités policières de Cancun ont été accusées de torture physique et moral, arrestations et détentions abusives
source: la Jornada, photo de une du 25 octobre 2006 |
Mal logés, mal payés, réprimés, il n'est pas étonnant que les habitants sortent de leurs gongs parfois. Ainsi, le cyclone wilma en octobre 2006, a donné lieu à des scènes populaires inédites : au milieu des décombres, des « pilleurs » traduisez les habitants, couraient les bras chargés de TV, un frigo sur le dos. L'Etat a dû envoyer l'armée, pour défendre les magasins et a déclaré un couvre feu à Cancun.
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Aujourd'hui, les boutiques de luxe sont de nouveau débout, mais en janvier 2007, un symposium sur « changement climatique et tourisme » révélait que « Cancun pourrait perdre entre 30 et 80% de ses touristes dans les vingt prochaines années ».
La première cause de cette décroissance est la taille immodérée des mangroves qui bordent les côtes pour l'édification des hôtels. Il en résulte aujourd'hui une violence spectaculaire des cyclones, qui détruisent toute la bande côtière, donc plage et hôtels.
Ainsi après l'ouragan Wilma en novembre 2006, tout le sable de la plage de Cancun s'est envolé. L'Etat mexicain a payé la « restauration de la plage de Cancun » qui a pris plus de 6 mois. |
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Que font aujourd'hui les chaînes hôtelières ? elles s'installent plus au sud et font pression sur le gouvernement pour qu'il ne sorte jamais un décret plus strict pour la construction sur les côtes et la protection des mangroves. Les pressions actuelles des entrepreneurs touristiques sont dénoncées au Mexique par des organisations comme Greenpeace, WWF, le réseau Ramsar et les plus grandes organisations écologistes mexicaines.
Les tout compris sont en quelque sorte responsables du désastre écologique de Cancun et de son sous-développement social. Ils auraient pu faire bien mieux en posant autre chose que du béton et en payant correctement leurs employés.
Ce que peut faire le touriste ? ne plus aller dans les « tout compris ».
Si vous cherchez un hôtel confortable au centre de Cancun, EchoWay recommande « le roi du caraïbe » : http://www.reycaribe.com/
Description en espagnol, italien, anglais
Hôtel écologique (eau chaude solaire, recyclage des déchets, composts, recyclage d'eau de pluie, toilettes sèches) dont les propriétaires sont des activistes pour la conservation de Cancun. Sa propriétaire est allée en prison pour des dauphins… Possibilité de faire du reiki, massages, spa.