L’archéologue qui rêvait de touristes
Créer une station touristique de luxe près d'un site archéologique Maya encore préservé n'est pas l'idée d'un business man mais d'un archéologue…Un projet combattu par les locaux, les ONG et les descendants des Mayas mais épaulé par le gouvernement…
Richard Hansen, archéologue
" Mon projet est génial, nous allons sortir les gens de la misère et sauver la forêt. Il faut aider ce pays et ces pauvres gens" explique l'archéologue américain Richard Hansen en montrant du doigt les villageois des Carmelitas, qui se sont regroupés près de son hélicoptère. Tant de bonnes intentions et de grandes ambitions, le fameux projet devait être quasiment révolutionnaire, totalement durable et pratiquement désintéressé…
Mais le « projet génial » s'est avéré très classique, avec un impact possible sur l'environnement et allant surtout profiter à quelques uns qui ne seront évidemment pas les locaux. Car le projet de M.Hansen, « enfin, ce n'est plus mon projet maintenant, c'est celui du gouvernement », précise M.Hansen n'est autre qu'une station de tourisme de luxe mais attention ! « près des plus vieilles, plus imposantes pyramides d'Amérique » .
"Le bébé" de l'archéologue
M. Hansen travaille depuis plus de 25 ans sur le site archéologique du Mirador, au nord du Guatemala et en plein cœur de la Réserve de la Biosphère Maya. Il ne l'a pas découvert mais c'est devenu « son site », « son bébé » en quelque sorte, et personne d'autre que lui ne peut décider de l'avenir de ce site encore préservé, pas bien sûr les descendants des Mayas, que M. Hansen ne va quand même pas prendre la peine de consulter.
Parce que M. Hansen veut sans doute rester à la postérité comme l'archéologue qui a su faire de l'argent avec les sites archéologiques.
Voyez plutôt l'idée géniale de l'archéologue : « Du très haut de gamme, pas de touristes sac au dos, des touristes qui descendent direct de Cancun au Mexique en hélicoptère, passent la nuit dans des eco-lodges, visitent le site et s'en vont » explique M. Hansen.
Inutile de préciser qu'il s'agit bien sûr... «d'écotourisme » puisque nous sommes dans la nature, n'est ce pas M. Hansen ?
« Absolument » répond l'archéologue, « l'idée est de préserver l'environnement d'où l'utilisation d'hélicoptères et d'un train. Nous ne voulons pas de routes .»
L'opposition qui s'est levée
En fait le projet de M. Hansen, enfin du gouvernement aujourd'hui (parce que Richard Hansen a au moins réussi à convaincre deux personnes de l'intérêt de réaliser son projet, les deux présidents successifs du Guatemala, dont l'actuel Oscar Berger) a évolué en fonction de l'opposition qui s'est levée.
Les routes et l'aéroport des premiers plans ont disparus et des petites composantes vertes sont apparues comme les eco-lodges et le train. Mais on ne parle guère des impacts des « 120 000 visiteurs » dans une réserve, poumon de l'Amérique Centrale, en très mauvais état. « Toutes les organisations écologistes qui travaillent dans le Peten depuis des années ne peuvent croire que le gouvernement va réaliser un tel projet. C'est la mort du nord de la réserve encore à peu près préservée car il n'y a pas de routes et peu de passages » explique Illiena Valenzuela, responsable d'une ONG au Peten.
Après l'extraction du pétrole, la coupe illégale de bois, l'avancement de la frontière agricole, le bétail, le tourisme sans la participation des locaux est la nouvelle menace de la RBM . Car le tourisme de luxe nécessite des gens hautement qualifiés et parlant anglais. Même si aujourd'hui, Richard Hansen explique aux communautés que le projet est pour leur avenir, ils sont peu nombreux à le croire.
Avec le projet de M. Hansen, l'organisation Mundo Maya qui cherche tout autant « a développer le tourisme pour aider les populations les plus pauvres », projette de réaliser une route pour relier les sites archéologiques Mayas du Mexique avec Tikal au Peten et pourquoi pas un jour le Mirador...
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Un habitant de Carmelita qui a participé aux premières fouilles montre un exemplaire du National Geographic sur le Mirador
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Affaire juteuse
Les investisseurs touristiques ne vont pas manquer d'être intéressés par le projet avec la bénédiction de l'Etat : L'ancienne cité du Mirador, encore enfouie dans la jungle, serait la plus ancienne d'Amérique, construite 1000 ans avant JC quand la majorité des sites dont celui de Tikal, datent de la période classique entre 300 et 900 après JC. Surtout les pyramides seraient les plus grandes jamais construites dans la civilisation Maya. M. Hansen estime, et nous ne remettrons pas en cause ses connaissances à ce sujet, que le Mirador est le berceau de toute la civilisation Maya .
L'idée est d'autant plus juteuse que si beaucoup d'ONG sont contre lui, M. Hansen s'est entouré de beau monde comme la National Geographic Society qui pour des raisons scientifiques bien sûr , fait partie du comite réuni par Richard Hansen dans son ONG, Foundation for Anthropological Research & Environmental Studies (FARES).
Les communautés en justice
A noter également que la famille du président Berger, le ministère du tourisme et l'institut d'anthropologie et d'Histoire du Guatemala soutiennent le projet . Mais face à eux, les communautés proches du Mirador n'ont pas l'intention de se laisser faire et ont déjà gagné un premier procès contre un décret présidentiel (présenté par Portillo, l'ancien président) qui augmentait le Parc National du Mirador pour créer le projet touristique et privait les communautés forestières d'une partie de leurs concessions.
Sur la carte en rouge, l'extension du parc national du Mirador proposée par A. Portillo et refusée en justice
Sur les 2,1 millions d'hectares en réserve, 500 000 sont gérés par des communautés qui exploitent le bois et les produits dérivés de manière soutenable : le bois est certifié FSC, un des labels forestiers les plus exigeant, et un plan de gestion durable est présenté chaque année sous les auspices d'une ONG. L'objectif de ces concessions forestières octroyées pour 25 ans, est d'offrir un revenu aux communautés, éviter les incendies et la mise en culture, protéger les sources d'eau, etc. |
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Scierie de la Carmélita
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L'organisation ACOFOP (Asociacion de Comunidades Forestales de Peten) qui regroupe 22 communautés s'occupe de « la plus grande superficie de bois certifiée et gérée par des communautés au monde », selon ACOFOP.
Acofop et la communauté de Carmelita, la dernière communauté qui vit à 58 km du Mirador sont les plus virulents opposants au projet. La coopérative de Carmelita a son propre projet touristique depuis 10 ans, bien différent de celui de Hansen…
Pour plus d'informations:
> Projet de Richard Hansen (en anglais):
http://www.miradorbasin.com
> ACOFOP (en espagnol) : http://www.acofop.org